Étymologie :
Le terme "pathologie" est formé de la combinaison des mots
grecs PATHOS pour passion, souffrance et LOGIE pour science,
étude, il signifie donc « étude des maladies » mais aussi
« affection » dans le sens maladie.
«Ostéoarticulaire» :
ostéo vient du mot latin signifiant os (os, ossis).
Les pathologies ostéoarticulaires regroupent donc
les maladies des os et des articulations au sens le plus général. L’ostéochondrite
dissécante est l’une de ces affections. Voilà un nom barbare, dont,
comme la majorité des profanes, j’ignorais la signification jusqu’à
ce qu’elle m’interpelle, en tant qu’utilisatrice et éleveuse, par l’intermédiaire
du chien de 6 mois d’un ringueur de mes connaissances.
Puisqu’il s’agit d’une maladie osseuse, je me suis intéressée à la croissance
comparative de l’humain et de différents chiots, de la naissance à l’âge
adulte :
** Un homme multiplie son poids de naissance par 20 en 20 ans
** Un chien de petite taille de 40 fois en 1 an
** Un chien de taille moyenne
de 70 fois en 1 an
** Un chien de race géante de 120 fois en 1 an.
Il n’est pas besoin
d’être scientifique pour comprendre que les besoins de ces chiens en
terme d’apport nutritif sont différents et doivent être de qualité de
façon à «construire» solidement le squelette du chien. De plus on sait
très bien qu’un chien de sport va être davantage sollicité qu’un chien
de canapé. Mon vétérinaire m’a expliqué ce qu’était l’ostéochondrite
dissécante. J’ai également beaucoup lu sur le sujet.
J’ai ensuite interrogé de nombreux utilisateurs de différents milieux
(Agility, Ring, RCI ou sur les cynodromes) sur cette « maladie ».
La majorité d’entre eux a été en contact avec l’ostéochondrite, soit
directement, soit par une de ses connaissances. Ils en ont tous une
fausse idée et accusent exclusivement la génétique et les éleveurs.
Ce qui n’est pas exact. Le plus souvent c’est le propriétaire qui
est responsable du déclenchement de cette OCD.
Une brillante carrière peut alors s’achever avant même d’avoir débutée.
Pour essayer de limiter le nombre de cas il me parait important que
les utilisateurs connaissent ce qu’est exactement cette maladie et surtout
ses facteurs déclenchants.
C’est
pourquoi j’ai demandé au Docteur Philippe PIERSON, chargé du service
«Médecine de l’élevage» à l’UMES de l’école Vétérinaire de Maisons-Alfort
jusqu’en 1999, puis responsable technique chez Royal Canin, co-auteur
du livre «guide pratique de l’élevage canin», de répondre en termes
simples à ces quelques questions :
Tout d’abord, cernons ce qu’est
l’ostéochondrite dissécante
1-
Cécile James :
Le chien boîte régulièrement ou par intermittence. A la radio un petit
fragment peut être visible dans une articulation. Il s’agit d’une « souris »,
c’est à dire un tout petit morceau de cartilage qui se détache de l’os
et se déplace dans une articulation. Peut-on alors parler d’ostéochondrite
dissécante ?
Docteur Philippe Pierson :
Avant le détachement d'un volet cartilagineux dans le liquide synovial
de l'articulation, on parle plutôt d'ostéochondrose de l'épaule car
cette affection fait partie intégrante du syndrome "ostéochondrose"
qui peut concerner toutes les articulations qui supportent une pression
maximale (épaule, coude, jarret, hanche, grasset). Pour être puriste,
il faudrait même parler de "chondrostéose" car la lésion cartilagineuse
précède l'inflammation osseuse et non l'inverse. Si ce volet cartilagineux
se détache de l'os sous-chondral, le contact du liquide synovial avec
l'os provoque alors une inflammation et l'on peut alors parler d'ostéochondrite
(suffixe "ite" = inflammation) dissécante (car l'articulation
est comme "disséquée" par la perte de ce lambeau cartilagineux)
de l'épaule.
2-
Cécile James : On dit que les races géantes
y sont les plus sujettes du fait de l’extrême rapidité de leur croissance.
Dans ce cas de races géantes uniquement on peut parler d’une affection
génétique.
Docteur Philippe Pierson :
Ce n'est pas parce que certaines races sont prédisposées aux ostéochondroses
(on ne voit jamais d'ostéochondroses stricto sensu chez les chiens
qui pèsent moins de 25 kg à l'âge adulte) que ces affections sont
d'origine génétique. Il semblerait toutefois que la vitesse de croissance
soit un facteur prédisposant à l'apparition des OCD (que ce soit
dans l'espèce canine ou dans d'autres espèces comme le porc ou le poulet),
cette vitesse de croissance étant elle même plus héritable que la taille
adulte elle même. Cela expliquerait notamment pourquoi les mâles sont
deux fois plus atteints d'OCD que les femelles. Mais la vitesse de croissance
n'est pas seule à intervenir. Une laxité de la capsule articulaire pourrait
également favoriser des contacts répétés entre la tête de l'humérus
et la cavité glénoïde (lors de réception sur les antérieurs par
exemple) et conduire ainsi à un épaississement secondaire du cartilage
de la tête de l'humérus. Enfin, la quantité et la qualité du liquide
synovial ("lubrifiant" de l'articulation) et des
cartilages articulaires interviennent également. L'ensemble de ces paramètres
a conduit les vétérinaires à suspecter, comme pour la dysplasie coxo-fémorale
ou les autres ostéochondroses, une origine polygénique (plusieurs gènes)
à seuil (cumul de plusieurs gènes défavorables) pour cette prédisposition.
3-
Cécile James : Dans toutes les races cependant,
certains sujets peuvent présenter une prédisposition plus importante
à cette maladie. Celle-ci peut-elle alors se déclencher si le chien
présente une carence ou un excès alimentaire et/ou des traumatismes ?
Docteur Philippe Pierson :
Prédisposition ne veut pas dire systématiquement expression clinique
de l'affection. Si un chiot est prédisposé à l'OCD (par exemple
si ses parents ont grandi très vite ou s'il existe des individus atteints
d'OCD parmi leurs ascendants, leurs descendants ou leurs collatéraux),
il faudra tout mettre en œuvre pour limiter les risques d'expression
clinique de cette maladie. Pour ce faire, l'éleveur a malheureusement
peu de moyens pour limiter la vitesse de croissance de ce chiot et une
éventuelle surcharge pondérale qui aggraverait les lésions sur une articulation
fragilisée : le seul moyen (modeste) de freiner la vitesse
de croissance est de restreindre les apports énergétiques alimentaires
par le biais d'un rationnement et d'un apport calorique limité (restriction
du taux de matières grasses de l'aliment). Même si le chiot reste
"efflanqué" au cours de sa croissance et qu'il est difficile
de vendre un chiot qui paraît maigre, il sera toujours temps de l'étoffer
en fin de croissance une fois que les cartilages articulaires seront
adultes. L'exercice physique et notamment la sollicitation de l'articulation
de l'épaule (plus sous forme de chocs ou de sauts que des efforts
de traction qui sollicitent plus les muscles que l'articulation)
au cours de la croissance peut également être un facteur aggravant d'une
OCD préexistante. La nage est en revanche très conseillée lors d'OCD
débutante. Retenons que l'OCD est plus une maladie de l'excès (excès
de matières grasses, suralimentation globale, excès de microtraumatismes
répétés etc.) qu'une maladie de carence car aucune carence alimentaire
ne peut provoquer à elle seule l'apparition d'une OCD sur un chiot génétiquement
non prédisposé.
4-
Cécile James : Un chien de taille moyenne,
entraîné à des disciplines sportives (vitesse, saut, mordant…)
est une victime privilégiée de l’ostéochondrite. Elle apparaîtrait plus
particulièrement sur le chiot, en pleine croissance ?
Docteur Philippe Pierson :
Même si les lésions sont détectables plus précocement, l'OCD ne s'extériorise
généralement cliniquement qu'en fin de croissance (souvent vers
8-9 mois chez les chiots de grandes races). A ma connaissance,
lorsque ces lésions apparaissent à l'âge adulte, on parle plus d'arthrose
que d'OCD qui est exclusivement un trouble de la croissance.
Maintenant,
intéressons nous uniquement au
Chien de Sport
5-
Cécile James : Est-il exact qu’un traumatisme
(ou un ensemble de micro traumatismes répétés), est un facteur
déclenchant d’une ostéochondrite ?
Docteur Philippe Pierson :
Comme souligné précédemment, les micro traumas répétés à des points
de pression maximum (tiers postérieur de la tête humérale pour l'épaule)
sont des facteurs aggravants de l'OCD mais il est impossible qu'ils
puissent déclencher une OCD sur une articulation indemne de tout "vice
de conformation". C'est comme une rotule de direction d'une voiture
qui présenterait un vice de fabrication ou qui serait mal lubrifiée
: plus on s'en sert (exercice) et plus elle s'use (lésion)...
6-
Cécile James : Les
traumatismes peuvent être de divers ordres : un chiot qui fait
des percussions au costume ou saute trop jeune, un chien vif qui, seul
et sans aucune sollicitation de son maître court, prend des virages
à angles aigus ou saute sur la clôture.
Docteur Philippe Pierson :
Effectivement, tout dépend de la nature de l'exercice (cf.3). En cas
d'OCD, il est conseillé d'éviter les terrains accidentés, les exercices
de saut et tout ce qui sollicite les "amortisseurs" pour privilégier
les efforts musculaires voire l'absence totale de travail durant la
croissance dans les cas les plus graves.
7-
Cécile James : Si on considère le chien
comme un athlète, n’est-il pas judicieux, afin de lui assurer une croissance
sans risque, de le muscler par des sorties régulières et progressives
(ballades, footing, vélo...) ?
Docteur Philippe Pierson :
Les ballades, le footing etc. ne sont généralement pas contre-indiquées
en cas d'OCD sub-clinique si l'effort fourni est régulier et constant.
Le travail de traction (pneu etc.) non plus. En revanche, les "à-coups"
sont plutôt déconseillés.
8-
Cécile James : Une
nourriture haut de gamme, spéciale croissance chiot est complète. Le
maître ne doit rien y ajouter de façon à ne pas déséquilibrer le ratio
des divers éléments, minéraux et vitamines. Le squelette d’un chiot
est plus solide si l’animal est nourri de cette façon. Une nourriture
mal adaptée peut-elle être aussi un des facteurs déclenchants ?
Docteur Philippe Pierson :
L'alimentation n'intervient que secondairement en tant que facteur modulateur
ou aggravant d'une OCD. Comme mentionné en 3, ce sont surtout les excès
d'apport , les friandises et les restes de table (surtout lorsqu'ils
sont riches en matières grasses) qui sont à redouter et qu'il faut
déconseiller au propriétaire qui nourrit son chiot avec un aliment spécialement
conçu pour la croissance des chiots de grandes races. Les déséquilibres
vitaminiques ou minéraux risquent de perturber la minéralisation du
squelette mais interviennent peu dans la synthèse cartilagineuse. Actuellement,
beaucoup d'espoirs sont fondés sur les apports alimentaires de GAGs
(glycosaminoglycanes comme la glucosamine et le sulfate de chondroïtine)
qui participent à la synthèse du cartilage et, de ce fait, augmentent
sa résistance aux chocs.
9-
Cécile James :
Ce type de chien à qui l’on donne une nourriture haut de gamme,
spéciale croissance chiot et adaptée à sa taille est davantage protégé
contre l’ostéochondrite que le même chien nourri avec du bas de gamme ?
Docteur Philippe Pierson :
Les GAGs étant des ingrédients onéreux, seuls les aliments hauts de
gamme en bénéficient, et notamment les aliments destinés à la croissance
des chiots de races géantes qui sont les plus prédisposés aux OCD.
10-
Cécile James :
En résumé on pourrait dire que les causes connues de l’ostéochondrite
dissécante chez le chien d’usage sportif sont, plus particulièrement
: traumatismes et fragilité du squelette.
Docteur Philippe Pierson :
C'est plutôt le cumul de facteurs prédisposants (mauvaise coaptation
articulaire, laxité capsulaire, défectuosité synoviale, hérédité, sexe
mâle, forte vitesse de croissance, grande race etc.) et de facteurs
aggravants (surconsommation alimentaire, apports excessifs de matières
grasses, exercice inapproprié) qui permettrait d'expliquer l'émergence
accidentelle d'un cas d'OCD au sein d'une portée saine par exemple.
11-
Cécile James :
Afin d’éviter au maximum qu’une ostéochondrite affecte notre
compagnon conseilleriez vous :
- 1/ de le
nourrir avec un aliment haut de gamme, adapté et à sa taille et à son
âge
- 2/ de donner à son chiot une activité physique régulière et progressive
afin de le muscler et améliorer son endurance,
- 3/ de limiter l’espace laissé aux chiens fougueux qui, livrés à eux
même et seuls dans un terrain toute une journée, risquent de se blesser
en sautant une clôture ou en courant en tous sens,
- 4/ de prendre en compte l’âge du chien dans les entraînements sportifs,
- 5/ de sensibiliser les hommes d’attaque à « aspirer » l’animal
plutôt qu’à le recevoir comme un « mur » de façon à éviter
les chocs, véritables micro traumatismes.
Docteur Philippe Pierson :
Toutes ces mesures préconisées aux acquéreurs sont très judicieuses
et contribuent certainement à limiter l'expression clinique de l'OCD
en agissant sur les facteurs aggravants. Le travail de sélection, qui
peut parfois être décourageant face à une affection polygénique et poly
factorielle, reste également à faire en amont à l'élevage pour limiter
au maximum les facteurs prédisposants. C'est tout le savoir-faire de
l'éleveur qui a déjà montré son efficacité dans la lutte contre l'incidence
de la dysplasie de la hanche dans certaines races prédisposées.
Enfin voyons le
Traitement de l'Ostéochondrite Dissécante
12-
Cécile James : Pour ôter une souris d’un
articulation le traitement est chirurgical. Il devra être fait par un
chirurgien orthopédique.
Docteur Philippe Pierson :
Ne pratiquant plus la chirurgie depuis plus de 10 ans, je ne suis
pas le mieux placé pour répondre aux questions d'ordre chirurgical qu'il
vaudrait mieux poser à mes confrères orthopédistes...
Avant la chirurgie, le traitement de l'OCD est plus palliatif que curatif.
C'est d'abord un traitement "hygiénique" qui vise à réduire
le surmenage de l'articulation. Puis un traitement médical qui vise
à soulager la douleur mais qui risque d'aggraver les lésions s'il redonne
des ailes à l'animal atteint. Enfin, un traitement chirurgical si le
volet cartilagineux s'est "évadé" dans l'articulation. La
chirurgie visera à extraire la souris articulaire et favoriser la cicatrisation
de l'os sous-chondral.
13-
Cécile James : Pour un chien de sport, afin
que le traitement opératoire laisse le moins de séquelles possible,
est-il exact qu’il est préférable d’opérer par fibroscopie, ce qui évite
de « tailler » dans la chair et les muscles.
Docteur Philippe Pierson :
La chirurgie peut effectivement être réalisée sous arthroscopie mais
cette technique nécessite également une "effraction" de l'articulation.
14-
Cécile James : Consécutivement à l’opération
le chien devra être maintenu au repos un certain temps et prendre des
médicaments qui l’aideront à reformer le cartilage.
Docteur Philippe Pierson :
Seul le vétérinaire qui a opéré pourra vous indiquer, au vu des lésions,
le temps de convalescence idéal pendant lequel le chien devra être maintenu
au repos. Quant aux médicaments, il n'existe malheureusement pas de
"cicatrisants miracles" pour le cartilage. Certains chirurgiens
pratiquent un curetage de la lésion qui peut stimuler la cicatrisation
osseuse mais qui risque également d'entraîner une hémarthrose chez certains
sujets. A chacun sa technique...
15-
Cécile James :
Peut-on dire que, traitée de cette façon, l’ostéochondrite dissécante
ne sera plus qu’un mauvais souvenir qui, sur un jeune chien, n’altérera
pas son potentiel physique.
Docteur Philippe Pierson :
Une OCD laisse malheureusement toujours des séquelles d'arthrose mais
qui sont généralement bien supportées (disparition rapide de la
boiterie et de la douleur à la manipulation dans les semaines qui suivent
l'intervention).
Je présente tous mes remerciements au Docteur Pierson pour avoir répondu
à ces questions..Il faut retenir que, même sur les sujets «à risque»
l’OCD ne devrait pas survenir si les propriétaires respectent certaines
règles. Elle ne devrait faire que retarder les exploits de nos amis
sur les différents terrains de sport. A ma connaissance toutes les races
actuellement utilisées en Ring ont été sujettes à l’OCD. Le plus souvent
le chien victime est «retraité» avant l’âge. Des heures de travail
et de complicité sont anéanties. En prévention, en tant qu’éleveuse
et utilisatrice, j’ai choisi de nourrir mes chiots et jeunes chiens
avec un aliment haut de gamme mais étudié pour race géante contenant
des GAGs, ce qui, d’après les vétérinaires, ne pose aucun problème même
pour des chiens de taille moyenne. L’autre solution consiste à complémenter
l’alimentation croissance adaptée à la taille du chien par des GAGs
(Kinérol, Caniflexine, Coséquin…).
En conclusion, comme il vaut tout de même mieux prévenir que guérir,
il est néanmoins préférable de bien respecter l’âge des chiots
pour les exercices physiques. Il est également primordial de, bien
nourrir son compagnon, tout au long de sa vie. (Cela revient
aussi moins cher que l’opération !). Ces deux actes sont aussi
des actes d’amour, et pour certains puristes pour qui on ne parle pas
d’amour entre l’homme et le chien, alors disons que ce sont des actes
de reconnaissance- envers celui à qui on demande tant.
Cynophilement, Cécile
lescrocsdelolympe@tiscali.fr